Nouvel article scientifique sur le lien entre l’interdisciplinarité, l’autocitation et le genre

juin 2022

Un nouvel article scientifique préparé par les chercheurs de Science-Metrix pourrait aider les organismes subventionnaires à déterminer si les différences de genre liées à la propension des chercheurs à exécuter des travaux interdisciplinaires sont fiables et précises.

Compte tenu de l’accroissement du financement de la recherche interdisciplinaire, l’obtention de données précises sur les différences de genre en matière d’interdisciplinarité sont hautement pertinentes pour les organismes subventionnaires afin qu’ils puissent tenir compte adéquatement de la dimension du genre dans la conception et l’exécution de leurs programmes axés sur l’interdisciplinarité. Présentement, les connaissances en la matière demeurent mitigées et contradictoires.

Plusieurs études mesurant la diversité disciplinaire des publications scientifiques individuelles, telle que reflétée dans les références à la littérature, ont mesuré une tendance plus forte chez la femme que l’homme à entreprendre des travaux de nature interdisciplinaire. Toutefois, les différences de genre mesurées dans ces études pourraient être biaisées puisqu’il a été démontré que les femmes s’autocitent moins que les hommes, réduisant possiblement l’emphase sur la discipline principale des auteurs féminins dans la bibliographie de leurs publications. Il s’ensuit que ces précédentes études pourraient avoir conclu de façon erronée que les femmes ne se font pas dissuadées d’entreprendre des travaux interdisciplinaires ou qu’elles ne sont pas désavantagées dans les programmes de financement axés sur l’interdisciplinarité.  

Henrique Pinheiro, Matt Durning et David Campbell ont récemment publié les résultats d’une étude dans la revue scientifique Quantitative Science Studies.Cette étude visait à mesurer la propension des femmes, vis-à-vis des hommes, à entreprendre des travaux de recherche interdisciplinaire en tenant compte de plusieurs facteurs (p. ex. stade de leur carrière, volume de production, champs d’étude) dont un biais de mesure potentiel généré par les autocitations.

Leurs résultats indiquent que l’interdisciplinarité d’un article scientifique augmente avec la présence des femmes dans les équipes de recherche, en tenant compte ou non des autocitations dans la mesure de l’interdisciplinarité. De plus, leurs résultats suggèrent que pour des articles de six auteur.e.s ou plus, l’effet d’une auteure additionnelle diminue avec la diminution de la présence des auteurs masculins. Finalement, les coefficients de régression obtenus pour le nombre total d’auteur.e.s sur une publication suggèrent la présence d’un point tournant au-delà duquel la taille des équipes a un effet négatif sur l’interdisciplinarité.

Ces résultats s’ajoutent au bassin d’études suggérant que les organismes de recherche et de financement de la recherche ne devraient pas s’inquiéter que les femmes soient potentiellement dissuadées de conduire des travaux de recherche interdisciplinaires ou qu’elles soient désavantagées dans les programmes de financement de la recherche axé sur l’interdisciplinarité. Toutefois, des recherches plus approfondies sont nécessaires pour améliorer notre compréhension de l’impact potentiel des différences de genre en recherche interdisciplinaire (par exemple, sur les perspectives d'avancement professionnel). En effet, de précédents travaux ont suggéré que la recherche interdisciplinaire pourrait être publiée dans des journaux à plus faible impact, serait désavantagée dans les programmes réguliers de financement de la recherche, et ne serait pas adéquatement considérée dans les décisions liées à l’obtention d’un poste permanent. Par ailleurs, si de tels biais négatifs existent réellement, on ignore s’ils affectent de façon similaire les femmes et les hommes. Résoudre ces inconnus permettrait de mieux guider les organismes de recherche et de financement de la recherche dans leur soutien aux femmes et aux hommes souhaitant entreprendre des travaux de recherche interdisciplinaires afin, par exemple, d’accroître leurs impacts sociétaux. Cela permettrait également aux chercheur.e.s de prendre une décision éclairée avant d’entreprendre de tels travaux de recherche.

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Image : iStock Photo
abstract men and women arranged in a grid pattern
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